L’adhésion aux mythes du viol

12/11/2020

Historiquement, le concept des mythes du viol (appelé aussi « culture du viol ») a été introduit dans les années 1970 par des sociologues (Schwendinger & Schwendinger, 1974) et des féministes (Brownmiller, 1975) qui décrivaient sous ce terme un ensemble complexe de croyances culturelles pouvant soutenir et perpétuer la violence sexuelle masculine à l'encontre des femmes, en accusant la victime tout en absolvant l'auteur et en minimisant ou en justifiant l'agression. 

Néanmoins, il faudra attendre les années 1980 pour que Burt (1980) publie la première étude scientifique de l'adhésion aux Mythes du viol, qu'elle définit alors comme des « préjugés, stéréotypes ou fausses croyances sur le viol, les victimes de viol et les violeurs qui servent à créer un climat hostile à l'égard des victimes de viol ». 

L'adhésion aux Mythes du viol réfère donc à l'adhésion aux attitudes et représentations qui tendent à rendre les femmes responsables des viols ou agressions sexuelles qu'elles peuvent subir, autrement dit à nier, minimiser ou justifier les violences sexuelles que les hommes commettent contre les femmes (Bohner et al., 1998). Une large proportion de la société y adhère, avec une plus forte adhésion chez les hommes (Suarez & Gadalla, 2010), mais nombre de femmes, y compris des victimes de viol, soutiennent certaines de ces assertions (Salmona, 2016).

Plusieurs échelles des Mythes du viol ont été créées dont celle développée par Burt (1980), à savoir la « Rape Myth Acceptance Scale » (RMAS) [pour les personnes intéressées, voir : Schlegel & Courtois (2019)]. Ces échelles sont dépendantes du contexte culturel et sociétal et certains items de départ sont désormais dépassés ou jugés trop explicites. C'est pourquoi Gerger, Kley, Bohner et Siebler (2007) insistent sur la nécessité que les outils d'évaluation des Mythes du viol soient adaptés à l'évolution de la langue et plus subtiles afin de limiter le biais de désirabilité sociale et mieux rendre compte de l'ensemble des croyances et représentations se référant à ce concept. 

Dans cette optique, ils ont développé l'« Acceptance of Modern Myths about Sexual Aggression Scale » (AMMSA; Gerger et al., 2007) qui évalue les mythes sur le viol et d'autres formes d'agression sexuelle moins graves de manière plus subtile et moins transparente que les précédentes échelles citées. L'idée est de dépasser les scores habituels plutôt bas (effet plafond) qui ne correspondent pas nécessairement à une amélioration des attitudes dans le sens d'une évolution sociale plus favorable aux femmes, mais peut-être davantage à l'introjection de la désirabilité sociale dans ce domaine.

L'AMMSA a été construite autour de 30 items structurés en 5 catégories : (i) « Déni de la portée du problème » ; (ii) « Attitudes antagonistes vis-à-vis des demandes des victimes » ; (iii) « Manque de soutien envers les politiques visant à prendre en compte et diminuer la violence sexuelle » ; (iv) « Croyances selon lesquelles la coercition masculine fait naturellement partie des relations sexuelles » et (v) « Croyances qui exonèrent les hommes auteurs de violence sexuelle en blâmant la victime ou les circonstances ». Cependant, l'analyse psychométrique de l'outil dans différentes langues valide davantage un modèle en un seul et unique facteur. La version française de l'AMMSA est désormais disponible (Courtois et al., In press).

Bohner, G., Reinhard, M. A., Rutz, S., Sturm, S., Kerschbaum, B., & Effler, D. (1998). Rape myths as neutralizing cognitions: evidence for a causal impact of anti‐victim attitudes on men's self‐reported likelihood of raping. European Journal of Social Psychology, 28(2), 257-268. doi:10.1002/(SICI)1099-0992(199803/04)28:2<257::AID-EJSP871>3.0.CO;2-1

Brownmiller, S. (1975). Against our will: Men, women and rape. New York, NY, NY: Simon & Schuster.

Burt, M. R. (1980). Cultural myths and supports for rape. Journal of Personality and Social Psychology, 38(2), 217-230. doi:10.1037/0022-3514.38.2.217

Courtois, R., Schlegel, A., Bonhommet, J., Doineau, E., Bertsch, I., Potard, C., & Pham, T. (In press). Validation française de l'échelle de l'adhésion aux mythes modernes sur l'agression sexuelle (AMMSA) et attachement au partenaire auprès d'étudiants et d'auteurs de violence conjugale. L'Encéphale.

Gerger, H., Kley, H., Bohner, G., & Siebler, F. (2007). The Acceptance of Modern Myths about Sexual Aggression scale: Development and validation in German and English. Aggressive Behavior, 33(5), 422-440. doi:10.1002/ab.20195

Salmona, L. (Producer). (2016, 03 August 2018). Rapport d'enquête : Les Français-e-s et les représentations sur le viol et les violences sexuelles. Association Mémoire Traumatique et Victimologie. Retrieved from https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/campagne2016/2016-Resultats-Enquete-Ipsos-Les-Francais-et-les-representations-sur-le-viol.pdf.

Schlegel, A., & Courtois, R. (2019). Scales for evaluating the acceptance of the rape myth: Benefits and limitations. International Journal of Risk and Recovery, 2(1), 23-26. doi:10.15173/ijrr.v2i1.3587

Schwendinger, J. R., & Schwendinger, H. (1974). Rape myths: In legal, theoretical, and everyday practice. Crime and Social Justice(1), 18-26.

Suarez, E., & Gadalla, T. M. (2010). Stop blaming the victim: A meta-analysis on rape myths. Journal of Interpersonal Violence, 25(11), 2010-2035. doi:10.1177/0886260509354503