CRIAVS Centre-Val de Loire et violences entre partenaires intimes
Le Centre ressources pour les intervenants auprès des auteurs de violences sexuelles (CRIAVS) accompagne les professionnels qui travaillent auprès des auteurs de violences sexuelles. La définition des violences entre partenaires intimes, appelées également violences conjugales, intègre des actes d'agression physique, de coercition sexuelle, de violence psychologique et des comportements de « contrôle » du partenaire (WHO/OMS, 2012). Dans le monde, près d'un tiers (30%) de toutes les femmes qui ont été en couple ont subi des violences physiques ou sexuelles de la part de leur partenaire intime. Les violences physiques et les violences sexuelles sont associées aux formes les plus graves des violences conjugales. Au Canada, on estime que moins de 20% des victimes de violence conjugale physique ou sexuelle font un signalement à la police. Les formes les plus graves des violences conjugales regroupent un ensemble de comportements abusifs, dont certaines formes graves (ex. : strangulation, frapper avec un objet) entraînent des conséquences sérieuses pour les victimes, allant jusqu'au décès dans le cas des féminicides.
Un interview à la Nouvelle République (résumé ci-dessous) abordait quelques mécanismes des violences entre partenaires intimes pour mieux les comprendre, et par conséquent mieux les prévenir.
Quels sont les principaux facteurs de vulnérabilité à la perpétration ?
Dr Robert Courtois: « En premier lieu, l'exposition à la violence familiale antérieure pendant l'enfance. Cela peut s'associer à des difficultés scolaires, avec des violences entre pairs, l'abus de substances, des problèmes liés aux ressources socio-économiques et des troubles d'attachement au partenaire intime. Tout le contrôle coercitif va viser à faire que ce partenaire ne s'en aille pas et qu'il soit à sa disposition affective et sexuelle. Plus un auteur a des traits de psychopathie, et plus il a des chances de commettre des violences conjugales graves. »
Comment définissez-vous la psychopathie ?
« Elle se décline en deux axes. La dimension interpersonnelle (narcissique), d'une part, c'est-à-dire la difficulté de la relation à l'Autre, à travers une insensibilité ou froideur, une absence d'empathie, et un manque de capacité d'identification aux autres. Pourtant, ces gens vont jouer le jeu de relations superficielles, avec souvent une forte capacité à séduire et à manipuler, sans aucune authenticité. L'autre dimension de la psychopathie est antisociale, c'est l'impulsivité et l'accumulation de comportements délictueux. »
Y a-t-il également un facteur socio-culturel ?
« En effet, les normes sociales de genre constituent un autre facteur. Elles contribuent à déresponsabiliser l'auteur et à attribuer la responsabilité à la victime. Notre société est globalement défavorable aux femmes. Quand bien même elle évolue, on voit que ce n'est pas encore gagné. Un certain nombre d'auteurs vont adhérer aux mythes du viol pour légitimer la violence et des visions genrées traditionnelles, archaïques, et sexistes, ou simplement qui servent leurs intérêts. »
Comment cette violence se met-elle en place ?
« Quand l'auteur met en place un contrôle coercitif et l'accentue en isolant, en contrôlant et en dénigrant la victime, il y a probablement déjà des enjeux de violences psychologiques, voire physiques et sexuelles. L'auteur peut aller jusqu'à ce qu'elle ne s'autorise plus à penser par elle-même et adhère totalement à ses propos, afin d'être en phase avec lui. La victime s'en remet alors entièrement à lui. C'est un moyen d'appropriation de l'Autre. »
Existent-ils des moments déclencheurs ?
« On sait que la violence va augmenter au moment de l'emménagement du couple ou du mariage, quand la victime va vraiment, d'une certaine manière, « appartenir » à l'auteur. La grossesse est aussi un facteur d'augmentation de la violence. Le couple va passer de deux à trois, la femme dans l'esprit de l'auteur risque de lui échapper par son investissement émotionnel envers leur enfant. Il est évident que le risque de distanciation affective est une crainte pour lui. Si vous ajoutez à ces facteurs, la séparation et l'aménagement de la victime avec un autre homme, alors là, c'est possiblement un cocktail explosif. »
Comment éviter la récidive ?
« Comme pour tous les actes de violences, il faut des réponses judiciaires. Les soins pénalement ordonnés sont une phase obligatoire. Ils vont obliger les auteurs à faire face à leurs actes et leurs conséquences. La plupart du temps, ils ne sont pas fiers de ce qu'ils ont fait, mais sans forcément se sentir coupables. Plus quelqu'un est isolé, plus il est enfermé dans l'idée d'être un monstre, et plus il risque de se défendre de cette représentation péjorative et de se maintenir dans cette violence. Il faut le prendre en charge et l'aider à s'engager dans un processus de changement. »